[Alimentation et climat 2] Deux mesures de pois

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Effaré par la lumière crue jetée par l’épisode 1 sur les gaz à effet de serre de l’alimentation, le lecteur est impatient d’en savoir davantage sur les principaux responsables.

Le transport

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le transport ne compte que pour une faible part dans les émissions de gaz à effet de serre (GES) des aliments. Un cargo porte-conteneurs émet de l’ordre de 20g de CO2 par tonne-km, donc un trajet de 10.000 km en bateau pour 1kg d’aliment n’ajoute « que » 200g de CO2, et 500 km en camion moins de 50g. Je ne dis pas que c’est bien, loin de là, c’est un simple constat. Certains prétendent même qu’une pomme en mars venant du Chili (environ 13000 km en bateau et 500 en camion) aura émis moins de gaz à effet de serre (300g de CO2-eq), malgré le transport, qu’une pomme locale stockée 6 mois en chambre froide. Tout dépend en réalité de la production d’électricité pour stocker la pomme : c’est sans doute proche de la réalité dans beaucoup de pays européens, mais exagéré en France avec son électricité moins carbonée. Fin de la parenthèse.

Les émissions selon la masse

Mais revenons à nos émissions préférées, voici le programme : les émissions en équivalent CO2 pour 1kg de divers aliments. Pour comparaison, 100km en voiture émettent de l’ordre de 15kg de CO2-eq.
Émissions pour 1kg d’aliment
Bœuf 34kg CO2-eq
100km en voiture 15kg CO2-eq
Porc 10kg CO2-eq
Poisson 9kg CO2-eq
Fromage 7kg CO2-eq
Vollaile 6kg CO2-eq
Oléagineux 5kg CO2-eq
Œuf 2,5kg CO2-eq
Céréale 1kg CO2-eq
Fruit 0,8kg CO2-eq
Légumineuse 0,5kg CO2-eq
Légume 0,5kg CO2-eq
Notez que les chiffres varient beaucoup selon les sources, j’ai pris les données de la base française Agribalyse. Et les valeurs varient beaucoup également au sein d’une même catégorie : par exemple, un kg de bœuf a un impact beaucoup plus élevé (jusqu’à 100 kg de CO2 selon les sources) qu’un kg de viande de vache laitière dont les émissions sont réparties entre ses 50.000 litres de lait ses 270 kg de viande. Ou une tomate sous serre chauffée aura un bilan bien plus mauvais qu’une tomate de saison. Ce sont ici des valeurs moyennes. Mais la balance est formelle : un kg animal pèse au moins 10 fois plus lourd qu’un kg végétal.

Les émissions selon l’énergie

Vous allez me dire que manger 100g de légumes ou 100g de viande ce n’est pas le même apport en énergie, et vous aurez raison. Rappelez-vous, le spectateur a toujours raison. Qu’à cela ne tienne, voici ce que ça donne pour 1000 kcal.
Émissions pour 1000 kcal d’aliment
Bœuf 20kg CO2-eq
100km en voiture 15kg CO2-eq
Poisson 7,5kg CO2-eq
Porc 5,6kg CO2-eq
Vollaile 3,5kg CO2-eq
Œuf 1,9kg CO2-eq
Fromage 1,9kg CO2-eq
Fruit 1,3kg CO2-eq
Oléagineux 0,8kg CO2-eq
Légume 0,7kg CO2-eq
Céréale 0,3kg CO2-eq
Légumineuse 0,1kg CO2-eq
Certes il y a quelques changements, mais ce n’est pas une révolution, fût-elle de palais. Les légumineuses assoient un peu plus leur suprématie, les produits animaux restent tous en queue de peloton. Ici les aliments plus gras et donc plus caloriques sont privilégiés bien sûr.

Les émissions selon les protéines

Vous allez me dire que 1000 kcal de légumes ou 1000 kcal de viande n’apportent pas la même quantité de protéines, et vous aurez raison. Même si vous empiétez sur la prochaine vidéo. Mais qu’à cela ne tienne, voici ce que ça donne pour 100g de protéines.
Émissions pour 100g de protéines
Bœuf 17kg CO2-eq
100km en voiture 15kg CO2-eq
Fruit 8kg CO2-eq
Porc 5kg CO2-eq
Poisson 4,5kg CO2-eq
Vollaile 3kg CO2-eq
Fromage 2,9kg CO2-eq
Légume 2,5kg CO2-eq
Œuf 2,3kg CO2-eq
Oléagineux 2kg CO2-eq
Céréale 0,8kg CO2-eq
Légumineuse 0,2kg CO2-eq
D’accord, cette fois les fruits deviennent mauvais, et les légumes moyens, car ils contiennent peu de protéines et c’est normal. Mais même avec cette mesure censé avantager les animaux, eh bien le classement n’est pas bouleversé pour autant, avec toujours les légumineuses loin devant et les bœufs loin derrière. J’entends une voix au fond qui prétend que les protéines végétales ne sont pas aussi bien que les protéines animales. D’abord la prochaine fois vous vous mettrez devant. Ensuite, merci d’attendre les prochains épisodes.

Le poids de différents régimes

D’ailleurs c’est l’heure de conclure. En 24h de la vie d’un Français, 4,2kg de CO2-eq partent dans son assiette, et encore en comptant uniquement la production agricole (soit les 105 Mt de l’épisode 1, il faut ajouter de l’ordre de 60% pour la filière alimentaire en entier), ce qui fait 1,5t par an par personne, quand l’objectif est d’atteindre en 2050 1,1t tous secteurs confondus. Aïe. Mais on aime les défis, non ? non ? La bonne nouvelle est que, sans améliorer notre système agricole, sans même réduire les 18% de gaspillage alimentaire, et sans perdre en qualité nutritionnelle, bien au contraire, on peut aisément réduire la voilure de moitié. Que les allergiques au végétal se rassurent, ils pourront même continuer à manger des produits animaux tous les jours. À quoi ressemble ce menu magique ? En une semaine :
  • une portion (70g) de viande de bœuf,
  • deux de volaille ou de porc,
  • deux de poisson,
  • deux fois 2 œufs.
Et chaque jour on ajoute :
  • du fromage (30g),
  • les fruits (200g) et légumes (200g),
  • les céréales (200g),
  • quelques légumineuses (50g) et oléagineux (60g),
  • un peu d’huile (25g),
et le tour est joué. On atteint ainsi 2000 kcal par jour, plus de 75g de protéines assimilables et moins de 2kg de CO2eq / jour. Pour les allergiques à la viande, on peut faire encore mieux bien sûr, une alimentation végétarienne, voire végétalienne, tourne autour de 1 à 1,5 kg de CO2-eq par jour (550kg/an). On en est donc là :
Émissions annuelles an selon le régime
Bœuf (125g/j) 2,4t CO2-eq
Classique 1,5t CO2-eq
Flexitarien* 750kg CO2-eq
Végétalien 450kg CO2-eq
(*Flexitarien : consommation de viande réduite, sans être complètement végétarien.) Tous ces chiffres ne vous parlent peut-être guère, en tout cas moins que la perspective d’une plage de sable fin à l’autre bout du monde en avion. C’est uniquement à titre de comparaison hein, la vocation de manger mieux n’est évidemment pas de s’autoriser des vacances paradisiaques.
  • Si vous réduisez le bœuf (-900kg CO2-eq), vous gagnez de belles vacances aux Îles Canaries chaque année.
  • Vous pouvez ajouter des vacances en Crète en devenant flexitarien (-750kg CO2-eq)…
  • … et en Sardaigne si vous optez pour le végétarisme (-300kg CO2-eq)
  • Ou alors signez pour les trois d’un coup (-1,95t CO2-eq) et c’est vers la Guadeloupe que vous vous envolez.
Émissions équivalentes en termes de transport
Changement de régime Réduction des émissions annuelles Équivalent en avion Équivalent en voiture
Bœuf → classique -900kg CO2-eq A/R Paris-Îles Canaries 8000km
Classique → flexitarien -750kg CO2-eq A/R Paris-Crête 6600km
Flexitarien → végétalien -300kg CO2-eq A/R Paris-Sardaigne 2700km
Bœuf → végétalien -1,95t CO2-eq A/R Paris-Guadeloupe 17000km
Pas mal pour un petit pois. Préparez vos guides touristiques, on va visiter tout ça dans les prochains épisodes, parce que je vois des personnes sceptiques (vraies ou fausses) qui craignent quand même pour leurs protéines.

Sources principales

Illustration

Images Unsplash.com : Anna Pelzer, Eiliv Aceron, Emerson Vieira

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